dimanche 22 janvier 2012

Un extrait de Charpentier


Je viens de découvrir un nouveau CD de Marc-Antoine Charpentier* et je réalise qu'aucun extrait de l'oeuvre de ce compositeur, que j'aime tant, n'a jamais figuré sur la page d'accueil du blog des Ménines. Ce petit dialogue, qui m'a beaucoup amusée, va donc combler cette lacune. Maître de musique à la Sainte Chapelle, à Paris, Charpentier (1643-1704) nous a laissé une abondante production de musique sacrée, mais aussi de la musique profane, dont son magistral opéra, Médée. Vous écoutez en ce moment une scène d'un divertissement lyrique, Les Plaisirs de Versailles, consacré aux arts. Dans un appartement du palais de Versailles, la Musique et de la Conversation se disputent : la seconde, bavarde, a interrompu le chant de la première. Laquelle des deux est la plus indispensable au plaisir ? Pour ne pas les voir quitter fâchées le château, le choeur appelle Comus, le dieu des banquets, à l'aide. Celui-ci propose aux deux ennemies du vin, des pâtisseries et... du chocolat (extrait). Le Jeu, arrivé sur les lieux, échoue également à les réconcilier. Elles feront finalement la paix afin de distraire le roi de ses occupations guerrières.



Vous écoutez la scène trois de ce divertissement lyrique, interprété par William Christie et les Arts Florissants. Sophie Daneman (soprano) est la Musique, Katalin Károlyi (mezzo soprano) la Conversation et Jean-François Gardeil (baryton) Comus.

L'extrait dure trois minutes trente-neuf.

Un des plaisirs
Venez, dieu des festins,
Apaisez leurs querelles.

Comus
Que vos débats ici ne fassent point d'éclats
Et je vous donnerai, mes belles,
A toutes deux du chocolat.

La Musique
Du chocolat ! Dieu nous en garde,
De crainte qu'on en donne à cette babillarde.
Moi-même, je le dis, je n'en veux point goûter.
Son caquet échauffé ne pourrait s'arrêter.

La Conversation
Le chocolat est bon, cher Comus. Il me tarde
Que par votre crédit
J'en puisse un peu tâter.
Comus, l'écouter
C'est s'amuser à la moutarde.
Du chocolat !

La Musique
Dieu nous en garde,
Son caquet échauffé ne pourrait s'arrêter.

Comus
D'un vin délicieux de la côte rôtie
Qui ferait rire un Jérémie
J'ai des bouteilles à foison.
Buvez-en, je vous y convie.
Si l'on a des chagrins, il fait qu'on les oublie
Et loin de troubler la raison
Ce jus divin la fortifie.

La Conversation
Comus, le chocolat est bon.

La Musique
Du chocolat ! Dieu nous en garde,
Non, Comus !

La Conversation
Comus, l'écouter
C'est s'amuser à la moutarde.
Du chocolat !

La Musique
Dieu nous en garde,
Son caquet échauffé ne pourrait s'arrêter.

La Conversation
Que par votre crédit j'en puisse un peu tâter.

Comus
J'ai des confitures liquides
Que prisent les goûts les plus fins.
De tartes et de massepains
J'ai d'assez hautes pyramides
Et j'en dispose ici comme Dieu des Festins.

La Musique et la Conversation
Nous ne voulons, Comus, ni massepains ni tartes.

Comus
Si vous ne voulez pas
De ces mets délicats,
Pour finir vos débats
Déesses, prenez donc des cartes.
Le Dieu du jeu qui vient en peut fournir à tous.

* Les plaisirs de Versailles et Pastoraletta, par William Christie et les Arts Florissants.

La fille au chocolat, de Liotard
Jean Etienne Liotard (1702-1789)
La fille au chocolat
1744
Dresde, Gemäldegalerie.

Hébé

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